Par Fatima Besnaci-Lancou, membre de la Licra, présidente d’honneur de l’association Harkis et Droits de l’Homme et Alain David, Délégué de la Licra à la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme
Il y a juste 60 ans, un 17 octobre, Paris fut le théâtre d’une chasse à l’homme ciblant les Algériens aboutissant à un nombre encore mal déterminé de morts (entre 30 et 200 selon les sources, dont beaucoup jetés dans la Seine), et de centaines de blessés. Cette atrocité marquant la fin de la guerre d’Algérie se produisit à l’insu de l’immense majorité des Parisiens. Elle fut globalement tue, à l’époque, par le monde politique et pratiquement ignorée de la grande presse.
Voici neuf ans le président François Hollande déclarait : « Le 17 octobre 1961 des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’Indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante-et-un ans après je rends hommage à la mémoire des victimes. » Il s’agit là, certes, d’un geste important et solennel – le premier de ce genre – de reconnaissance officielle des faits par la République. Hier, 16 octobre 2021, le président Emmanuel Macron déposait à son tour au nom de la République une gerbe, sur le pont de Bezons (Hauts-de-Seine), l’un des lieux du massacre, et plaidait pour la reconnaissance de la responsabilité de l’État.
Mais il faudra aller plus loin, dès que le travail des historiens le permettra, sans céder à la tentation récurrente de la polémique politique. Car une chose au moins est d’ores et déjà acquise : l’oubli fut celui de tous, de la droite, au pouvoir en 1961, autant que de la gauche, laquelle avait été sous la IVe République partie prenante dans la guerre d’Algérie avec ce qu’elle avait eu de plus atroce, occultant, jusqu’au discours de François Hollande, la mémoire de la chasse à l’homme du 17 octobre 1961 derrière celle des événements de Charonne le 8 février 1962.
En attendant d’en apprendre davantage sur ces violences inacceptables perpétrées le 17 octobre 1961 et dont furent victimes des Algériens ciblés au hasard de leur présence dans les rues de Paris, posons aujourd’hui qu’elles ont porté atteinte à l’idée d’un État de droit et ont déshonoré ceux qui étaient ce jour-là censés incarner la vie démocratique de la Ve République. Soixante ans plus tard, dans notre actualité troublée, au moment même où, de façon indécente, est mise en exergue dans le débat public l’idée que les descendants de ceux que l’on classait comme FMA (Français musulmans d’Algérie) représenteraient une menace pour notre société, on ne peut que souhaiter non seulement que leur mémoire soit honorée ainsi que l’ont voulu désormais deux présidents de la République, mais que soit reconnue, avec toute la précision qu’autorise la recherche historienne, la vérité de ce qui advint. La prise en considération solennelle de ce moment sombre de la République ne peut qu’apporter, au regard des équivoques actuelles, une salutaire mise en garde.