Par Abdoulaye Kanté, policier depuis vingt et un an, aujourd’hui à la Direction de la coopération internationale1
(Article paru dans Le DDV n°684, automne 2021)
Notre jeunesse traverse une époque pleine d’interrogations. Les virus du racisme et de l’antisémitisme continuent malheureusement de proliférer. Nous pensions avoir des outils solides pour lutter efficacement contre ces fléaux mais les réseaux sociaux ont montré leur capacité à entretenir ces maux qui divisent.
Les jeunes sont des consommateurs invétérés de réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Snapchat, TikTok, Twitter, etc.). Ils s’informent donc essentiellement via ces plates-formes. Or cette manière de trouver de l’information – que j’appellerai « information pop corn » – nuit à leur capacité de réflexion. J’y vois une des principales causes de la banalisation de toutes les formes de racisme : anti-noirs, anti-blancs, contre les asiatiques, le racisme intra-communautaire, l’antisémitisme et tant d’autres…
Des postures de repli et de rejet qui fragilisent la République
Ce triste constat donne le sentiment que beaucoup des choses ont été ratées en matière d’éducation. Or l’éducation demeure bel et bien notre meilleure arme contre ce type de dérives sociétales. Ce qui nous a fait prendre beaucoup de retard et fait énormément de mal, c’est la minimisation de certains propos ou actes gravissimes pouvant être commis par des jeunes. La désinformation dont leurs esprits sont victimes doit être combattue sans relâche. Le dialogue, la pédagogie et la sensibilisation sont nécessaires pour rattraper le temps perdu.
Notre responsabilité à tous est d’être vent debout contre l’antisémitisme et toutes les formes de racisme. Cela doit être une priorité pour celles et ceux qui exercent une mission de service public. Et, oui, la pédagogie commence aussi avec nous, les fonctionnaires de police, en tant qu’autorité après les parents.
Aucun support éducatif ne doit être négligé pour contrecarrer les postures de repli et de rejet qui fragilisent nos valeurs républicaines. Il est de notre devoir de citoyens de soutenir les moyens mis en œuvre pour dire non à ces « virus ». Or une action éducative est le principal remède à leur opposer : ce sont les jeunes sans repères qui contribuent à la banalisation de la haine, car ils sont les plus perméables aux relents négationnistes, racistes et antisémites des publications complotistes en vogue sur les réseaux sociaux.
L’abjection et l’absurdité face à la décence
Lors de l’Euro de football, en juin dernier, le joueur Kylian Mbappé, symbole de notre jeunesse, a raté en huitième de finale le penalty pouvant qualifier l’équipe de France. Les échecs dans une vie, ça arrive, mais, sur les réseaux sociaux, ce n’est pas la détresse d’un jeune homme ayant manqué son rendez-vous sportif qui a été avant tout perçu. Ce penalty raté a provoqué un torrent d’insultes racistes. L’abjection et l’absurdité se sont libérées face à la décence.
Cet épisode illustre à lui seul l’importance de la banalisation de la parole raciste sur les réseaux sociaux et tout ce qu’elle révèle : l’absence criante de pédagogie, l’absence d’explication de l’histoire en générale, mais surtout l’inconscience avec laquelle la parole s’exprime sur les plates-formes numériques.
Maintenant que les constats sont faits, il est plus que temps d’agir pour combattre ce phénomène.
Faire preuve de responsabilité et armer les consciences
Nous avons la chance de posséder tout un arsenal éducatif et préventif pour apporter des réponses efficaces à ces fléaux que sont le racisme et l’antisémitisme. Cela passera par des actions concrètes dans les écoles et dans les différentes structures (associatives ou autres) accueillant d’une manière générale des jeunes. Mais cela passera aussi par une véritable volonté politique car, sans le soutien de nos élus, nous n’y arriverons pas.
Chacun de nous, en son âme et conscience, doit faire preuve de responsabilité et utiliser ce moyen formidable d’armer les consciences qu’est l’éducation. La nouvelle génération qui fait face à une pandémie inédite ne doit pas être sacrifiée car ce monde mérite mieux que ces passions mauvaises qui nous séparent de plus en plus.
Je dirai enfin ceci : le plus beau cadeau que l’on puisse faire à un jeune, ce n’est pas de l’aimer mais de lui apprendre à aimer, à respecter sans distinction de race, d’origine, de sexe ou de religion.
La victoire, nécessairement collective, viendra de là.
Note :
1. Abdoulaye Kanté s’exprime régulièrement via son compte Twitter (@AbdoulayeK3) pour défendre des positions républicaines et universalistes.