Claire Koç, journaliste, auteur de Claire, le prénom de la honte (Albin Michel, 2021)
(Article paru dans Le DDV n°683, juin 2021)
Ceci est un cri du cœur, un appel à dire « je t’aime » à la France que je lance à un moment où notre pays est divisé, plus que jamais. C’est une fille d’immigrés qui vous le demande.
Pour avoir fait le choix de la France et de lui exprimer mon amour, j’ai été menacée de mort. Avant la menace, il y a eu les insultes pour celle devenue la mauvaise immigrée : « collabo », « traîtresse », « soumise »… Exprimer une chose aussi banale que « j’aime la France » est devenu un acte de résistance. La situation est mauvaise dans notre pays. Je suis également traitée en paria par ceux que j’appelle les bien-pensants, ceux qui ne voient en moi qu’une personne d’origine étrangère et m’interdisent de me sentir à ma place dans cet unique pays qui est le mien. C’est ça la xénophobie, quand on vous parle sans cesse de votre pays d’origine et qu’on refuse de vous voir comme une Française.
Choisir la résistance plutôt que la victimisation
Il n’y a qu’en France qu’il est mal d’aimer la France. Nous avons un terrible problème d’identité. C’est en croyant bien faire que ces personnes nous enfoncent, nous les Français de branche mais aussi les Français « de souche ». Car à ces derniers aussi, on tient des discours de culpabilisation en rappelant le passé colonial de leur pays. Alors, les jeunes Français « de souche » se sont mis à leur tour à chercher leur milligramme de sang étranger pour prouver qu’ils ne sont pas racistes ou colonialistes. Qui a décidé qu’être français était mal et que l’histoire se jugeait avec les lunettes d’aujourd’hui ? Qui sont ces nouveaux inquisiteurs qui savent mieux que les autres où se trouvent le bien et le mal ? Ces malfaisants bien installés dans leur canapé, pantoufles aux pieds ? Quel modèle de société veulent-ils ? Les bras m’en tombent lorsque j’entends certains militants antiracistes dire à la télévision que les tests de compréhension du français, indispensables depuis janvier 2012 pour acquérir la nationalité française, seraient discriminants. Mes parents, qui sont incapables de faire une phrase complète en français après quarante ans passés en France, ont été naturalisés. Ce discours victimaire et alarmiste, qui est celui de militants hors sol, ne tient pas la route. Il n’est pas demandé aux étrangers d’avoir 20/20 à leur évaluation, il s’agit de mesurer leur niveau de savoir et leur motivation.
Dans un pays qui a connu la Résistance, on s’attend à ce que des associations d’aide aux immigrés ainsi que les nombreux militants/bénévoles qui gravitent autour tiennent des discours de résistance plutôt que des discours victimaires. En réalité, nombre d’associations roulent pour leur propre intérêt en gardant précieusement ces nouveaux pauvres sous cloche. Car s’ils s’émancipent, elles n’auraient plus de raisons d’exister.
Il est vrai que tout n’a pas été rose dans notre histoire ; mais contrairement à d’autres pays, la France, elle, sait réparer ses erreurs. Avant de noircir le tableau, il faut donc apprendre aux petits Français le roman national, c’est-à-dire les belles pages de son histoire pour que naisse le sentiment de fierté et d’amour de soi. Fierté, ce mot devenu synonyme de « suprématie » ou connoté d’extrême droite… Pourquoi, comment ? On ne sait pas. Pour faire une nation avec un peuple qui se sente français, il faut souligner nos valeurs communes et non celles qui nous séparent. Il faut rappeler le sang versé par nos aïeux pour que nous soyons des hommes libres, ce que nous empêcherait d’oublier notre merveilleuse Marseillaise si elle ne résonnait plus désormais qu’à des moments tragiques.
Une devise républicaine à incarner
Ne laissons pas ces fossoyeurs de l’identité françaises, ces racialistes et autres indigénistes dire que notre devise « Liberté, Égalité, Fraternité » est une honte. Nous sommes les héritiers des Lumières, du pays de Pasteur, du cinéma, de la mode, des grands auteurs comme Zola, Baudelaire, Chateaubriand ou Gary. D’un pays qui a fait rêver le monde entier par sa puissance et son génie. Un pays qui a réussi à fédérer tous les régionalismes pour faire un pays peuplé de Français avant d’être des Alsaciens, des Bourguignons, des Provençaux. Cette assimilation à la française repose sur l’idée selon laquelle ce qui compte, ce n’est pas d’où l’on vient mais où l’on va.
Devenir français, c’est-à-dire s’assimiler, ne veut absolument pas dire qu’il faille abandonner ses origines, c’est insensé et biologiquement impossible. Cela veut dire que l’on peut se sentir français comme les autres et trouver sa place dans le pays qu’on aime.
La France a cela de magnifique : elle rassemble et unit en son sein ceux qui l’aiment et partagent ses valeurs. Elle permet cette « Liberté ». Ceux qui aujourd’hui qualifient la France de pays « raciste » insultent cette jeunesse issue des quatre coins du monde et compromettent cette « Égalité ». Une jeunesse qui n’est pas dupe et qui, dans sa grande majorité, ne demande qu’à découvrir son histoire sous le signe de la « Fraternité ».