Aline Girard, secrétaire générale d’Unité laïque
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Le 18 février 2023, l’association Unité laïque organisait au Palais du Luxembourg un colloque d’un grand retentissement, intitulé « Les étrangers dans la Résistance – Vers l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian »1Les enregistrements vidéo du colloque peuvent être visionnés sur la chaîne YouTube d’Unité laïque. Cette manifestation fut inaugurée par le président du Sénat, Gérard Larcher, représenté par le sénateur Pierre Ouzoulias, par le président d’Unité Laïque, Jean-Pierre Sakoun, par l’ambassadrice d’Arménie, madame Hasmik Tolmajian, et par la secrétaire d’État aux anciens combattants et à la mémoire, madame Patricia Miralles. Cette dernière a choisi d’honorer ce colloque en y annonçant l’attribution par décret, qu’elle signait à la fin de son allocution, de la dignité de « Mort pour la France » au dernier des vingt-deux fusillés du groupe Manouchian qui ne l’avait pas encore reçu.
Cette reconnaissance éclatante de notre dette vis-à-vis de ces étrangers qui se sont battus pour la France en soldats français et contre le nazisme en internationalistes antifascistes, éclaire mieux que tout long discours la démarche qu’Unité laïque a lancée il y a désormais deux ans pour faire entrer Missak Manouchian au Panthéon.
André Malraux évoquait le 19 décembre 1964 le long cortège d’ombres qui avec Jean Moulin franchissait le seuil de la maison des morts glorieux de la République et de la patrie. Les ombres de ces ombres furent ces résistants étrangers qui représentèrent un cinquième de tous ceux qui en France s’opposèrent au nazisme.
Avec lui ce sont les dix héros de l’Affiche rouge, les vingt-deux fusillés du 21 février 1944 au Mont-Valérien et Olga Bancic, leur sœur d’arme décapitée le 10 mai 1944 à Stuttgart, les centaines d’étrangers des FTP-MOI et des autres mouvements de résistance qui se battaient en région parisienne, les milliers qui peuplaient les réseaux de résistance urbains et les maquis, que nous espérons voir honorés par la République. André Malraux, en accueillant par son célèbre discours la dépouille de Jean Moulin au Panthéon le 19 décembre 1964, évoquait le long cortège d’ombres qui avec lui franchissait le seuil de la maison des morts glorieux de la République et de la patrie. Les ombres de ces ombres furent ces résistants étrangers qui représentèrent un cinquième de tous ceux qui en France s’opposèrent au nazisme et dont la reconnaissance ne fut que progressive après des années sinon d’oubli, du moins de relatif effacement. Et s’ils étaient 20 % des résistants, ils furent plus de 80 % des derniers à se battre à Paris et en région parisienne à partir de l’année 1943 et jusqu’à la liquidation finale des soixante-sept membres du détachement Manouchian2Dont les vingt-deux assassinés au Mont-Valérien et Olga Bancic. en novembre de cette année-là, par les policiers français et collaborationnistes de la 2e Brigade spéciale de la préfecture de Police.
La France des années 1930, dernier grand pays du continent européen à avoir échappé à l’emprise dictatoriale, au contraire de l’Allemagne, de l’Espagne, de l’Italie, de la Pologne et de tant d’autres pays plus petits, avait accueilli plus ou moins bien, mais au moins dans un cadre démocratique, tous les combattants antifascistes de la première heure, qui de l’Allemagne conseilliste des années 1920 à l’Espagne de 1936, en passant par tous les pays d’Europe centrale et par l’Italie, avaient tenté de s’opposer aux pouvoirs fascistes. Ces militants, très souvent communistes, étaient arrivés en France bien conscients d’être dans le pays des droits de l’homme et du citoyen, dans le pays des idéaux de la Révolution, dans le pays de la Marseillaise. Tous d’ailleurs établissaient un lien de filiation entre la « Grande Révolution » et la Révolution de 1917.
Il est plus que temps que la France rende un hommage sincère et passionné à ceux de l’intérieur, à tous ces amoureux de vivre à en mourir.
L’autre grande immigration était celle des juifs du Yiddishland, qui fuyaient à la fois les pogromes et la répression politique, eux qui alliaient si souvent judaïsme et action révolutionnaire.
Pour tous ces hommes, toutes ces femmes, défendre la France, c’était défendre la liberté, l’égalité, la fraternité, l’universalisme et la laïcité, c’est-à-dire combattre pour une société qui s’était dégagée des dogmes.
Beaucoup ont pris les armes dans la France occupée par les nazis ou sous le joug vichyste, mais aussi dans la France libre. De Joséphine Baker aux Espagnols républicains de la 9e compagnie du régiment de marche du Tchad, cette fameuse « Nueve » dont les chars furent les premiers à entrer dans Paris en août 1944.
Les étrangers de la France libre ont été honorés, par l’entrée au Panthéon de Joséphine Baker, par l’attribution de la dignité de Compagnon de la Libération à tant d’entre eux, de Bir-Hakeim à Berchtesgaden. Il est plus que temps que la France rende un hommage sincère et passionné à ceux de l’intérieur, à tous ces amoureux de vivre à en mourir. Et, en haut de la Montagne Sainte-Geneviève, là où l’altitude rend l’air et les héros plus rares, quel meilleur symbole de tous ces combattants qui criaient la France en s’abattant que ce poète humaniste, que ce guerrier sans peur, que cet Arménien de France, qui mourut parmi ses vingt-deux compagnons, deux Arméniens, un Espagnol, trois Hongrois, cinq Italiens, huit Polonais, une Roumaine et trois Français, dont treize juifs ?
Ils étaient la France. La France ce pays dont on est citoyen lorsqu’on épouse ses idéaux, qu’on les défend, qu’on les illustre, dont on reçoit l’égalité des droits, la liberté de conscience et où l’on peut œuvrer à la fraternité universelle.
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