Mario Stasi, avocat, président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme
Au moment où paraît le nouveau numéro du Droit de Vivre consacré au négationnisme, nous sommes encore sous le choc de l’attentat de Sidney du 14 décembre, qui fait pour l’instant état d’un bilan de 15 morts et de plus de 40 blessés. Ces faits terribles qui se sont déroulés « là-bas » auraient pu se dérouler « ici », chez nous, où dans n’importe quelle autre contrée de nos démocraties, tant cette haine mondialisée qu’est l’antisémitisme s’exprime au grand jour, par l’apologie du Hamas et les appels à la destruction d’Israël. Il faut en finir une fois pour toutes avec les circonlocutions et faire preuve de la plus grande intransigeance avec les lâchetés qui font le lit de cette violence endémique. Si nous ne comprenons pas, collectivement, que cet acharnement pathologique contre Israël charrie une haine sans borne des juifs, tout simplement parce que, partout, le fantasme de la double allégeance déborde des esprits, si nous ne comprenons pas non plus que l’antisémitisme n’a pas besoin de l’action d’un Benyamin Netanyahou pour polluer les consciences et inspirer les passages à l’acte, alors nous continuerons encore longuement à rendre hommage aux victimes de cette monstruosité.
Il faut combattre l’antisémitisme sous toutes ses formes, de l’islamisme à l’ultra-droite, en passant par les obsessions antisionistes de l’extrême gauche et ce complotisme débridé qui voit la main des juifs partout. Il faut aussi le combattre dans ses manifestations insidieuses et louvoyantes que sont le négationnisme et ses formes dégradées. Il faut de la vigilance, de l’information, de l’éducation, de la formation et de la répression. Sans détour, sans relâche. Les corps des victimes de cette folie meurtrière ne sont pas encore enterrés que circulent déjà des contre-récits délirants qui pointent la responsabilité… des juifs eux-mêmes. Parce que tout cela est connu et attendu, il faut, il faut, il faut… Concrètement, la Licra ne lâche pas la bride mais nous réclamons une mobilisation d’ampleur nationale, européenne, pour que les influenceurs de la haine soient mis hors d’état d’influencer et de propager leur passion fétide, pour que les délinquants qui arment le bras des criminels comparaissent sans attendre dans les tribunaux correctionnels. Qu’on en finisse avec les pudeurs de gazelles et que l’on fasse entendre, enfin et vraiment, l’autorité de l’État et des pouvoirs publics. Tout le reste n’est que littérature.
Insupportables discriminations
La Licra marche sur deux jambes, ses militants le savent bien. Depuis les années 1930, ils considèrent que la dénonciation de l’antisémitisme ne va pas sans celle du racisme, qu’on ne protège pas les juifs, par exemple, en fustigeant les citoyens de confession musulmane, comme le fait l’extrême droite, et qu’à l’inverse, on ne combat pas les discriminations dont sont victimes d’autres minorités en fustigeant les « sionistes », comme le font les élus de La France insoumise. Dans les deux cas, c’est l’ensemble des minorités qui fait les frais de ce clientélisme électoral. Dans les deux cas, ce sont des discours qui rompent l’égalité des droits et qui piétinent la fraternité qui triomphent. Disons-le sans détour : ce n’est pas la République, ce n’est pas la France !
Qu’on en finisse avec les pudeurs de gazelles et que l’on fasse entendre, enfin et vraiment, l’autorité de l’État et des pouvoirs publics. Tout le reste n’est que littérature.
La lutte contre l’antisémitisme, le racisme et les discriminations sont intrinsèquement liées. Qu’une proportion appréciable de nos concitoyens ressente la suspicion dans leur quotidien, qu’elle soit empêchée dans sa liberté d’accéder à certains services ou qu’elle soit bridée dans ses aspirations est insupportable. Ces différences de traitement, que révèlent les études répétées sur le sujet et notamment celle, d’envergure, que la Licra et l’Ifop publieront au printemps 2026, font le lit du ressentiment, de la distension des liens sociaux et de la distorsion des grands principes républicains. Une aubaine pour les diviseurs professionnels ! Il faut sortir de ce cercle vicieux ! Là-aussi, il n’y a pas de pensée magique. Seule une volonté politique adossée à une pensée universaliste et aux principes républicains peut mener à bien une mobilisation des forces vives de la Nation sur cet autre mal endémique qui mine la France.
Une bataille à mener
Il n’est pas question d’établir un parallélisme de nature entre des problèmes qui ressortissent à des dynamiques profondément distinctes. La Licra plaide pour un combat de raison en la matière, réaliste et responsable, qui parle des victimes noires, roms, musulmanes ou juives, lorsqu’il faut parler des unes ou des autres, sans être tenu à un discours fourre-tout, puéril et artificiel, confondant les logiques discriminatoires. Il faut demeurer actifs sur tous ces fronts, en restant convaincus que, dans leur singularité, ces phénomènes entretiennent une parenté étroite qui repose sur le rejet de l’altérité et le refus de l’égalité. Relâcher la vigilance sur l’un ou sur l’autre, c’est valider une logique de fragmentation du corps social dont nous mesurons aujourd’hui les effets destructeurs.
En menant cette bataille pour l’égalité en droits, c’est la France que nous faisons gagner !














