La rédaction
« Si t’es de gauche et n’a [sic] jamais été accusé à tort et à travers d’antisémitisme par des pharisiens dénués de tout scrupule, t’as raté ta vie. » Julien Théry, 3 août 2022, @La_grande-H (X)
Ces derniers jours, Julien Théry, professeur d’histoire médiévale à l’Université de Lyon II, a acquis un statut de martyr auprès de toute une frange de la gauche pro-palestinienne, après avoir détourné une liste de personnalités signataires d’une tribune contre la reconnaissance de l’État palestinien de façon inconditionnelle par la France, en les qualifiant de « génocidaires à boycotter en toute circonstance ». Manque de chance pour toutes celles et ceux qui ont signé une pétition pour le soutenir et dénoncer un « maccarthysme à la française », quelques heures à peine après sa publication, un vieux post relayé sur la page de son émission « La grande H » (Le Media) refaisait surface, révélant un antisémitisme décomplexé. La partie émergée d’un iceberg.
La pétition en soutien à Julien Théry a été publiée sur un blog du Club Mediapart. Elle a été reproduite sur le site Hors-Série, animé par Judith Bernard qui avait publié, quelques semaines auparavant un texte de l’historien affirmant que l’antisémitisme de gauche était une « grande fake news » [archive]. Professeure de théâtre, Judith Bernard a fait ses débuts audiovisuels dans l’émission « Arrêt sur image ». Elle cite deux personnes comme ayant été décisives dans sa formation politique [archive] : Frédéric Lordon, dont la lecture « a déterminé [sa] politisation « à gauche toute » », et Houria Bouteldja, militante politique décoloniale, qui fut porte-parole du Parti des Indigènes de la République, et qui, explique Judith Bernard, « a métamorphosé [sa] compréhension du monde. » Bernard a d’ailleurs réuni ses deux idoles sur un même plateau pour fêter les 10 ans de son site. Il y a un an, elle s’est faite remarquer par son soutien à Blanche Gardin contre Sophia Aram, avec cette réplique légendaire, qui résume à elle seule toute la théorie des « races sociales » : « Blanche est plutôt moins blanche que Sophia Aram » !
Par le passé, elle s’était déjà illustrée par un « mémoire en défense » du complotiste soralien Étienne Chouard (et le mini-documentaire qu’elle avait tourné à son sujet) [archive], mais aussi par une invitation de Jean Bricmont dans une des émissions hébergées par son site. Ce dernier texte, aujourd’hui dépublié, est toujours disponible sur le site de la négationniste suisse Silvia Cattori [archive]. Il y a quatre ans, elle est aussi apparue dans l’émission de Frédéric Taddéi sur la chaîne russe Russia Today pour discuter du « racisme d’État ». Son soutien à Théry dont elle a, donc, publié le texte affirmant que l’antisémitisme de gauche était une « grande fake news » ne surprend pas. Il est intéressant de noter aussi que parmi les signataires de ladite pétition, se trouvent justement Frédéric Lordon, le sociologue Bernard Friot et Blanche Gardin, trois de ses amitiés intellectuelles et politiques.
En sus, il faut savoir que Judith Bernard s’est illustrée par la publication d’un texte odieux sur les attentats du 13-Novembre, les assimilant à un acte de guerre en réplique aux bombardements de la France contre Daech et reprochant en des termes à peine voilés aux ex-otages de chercher à reprendre une vie normale avec l’argent de leurs indemnités.
Mauvaise foi
Le texte de la pétition ne s’embarrasse pas avec la vérité, à l’image de Théry lui-même qui entretient un rapport très particulier à cette dernière. Quand les signataires valident, par exemple, l’idée que « les otages israéliens ont tous été libérés », alors que le corps de l’un d’entre eux, à l’heure où nous écrivons, manque toujours à l’appel1L’accord de cessez-le feu prévoit le retour des otages vivants et morts.. Il est également affirmé que « chaque jour, des dizaines de Palestinien.nes continuent de mourir, sous les bombes ou les balles des snipers, ce qui montre bien que l’enjeu dépassait les otages et concerne le nettoyage ethnique en vue de ce qui serait une colonisation totale de la Palestine » : une vision pour le moins sélective, qui tait les exécutions récentes de Palestiniens par le Hamas.
S’attaquant à la Licra, les auteurs de la pétition écrivent : « Julien Théry a reposté le texte, en copiant-collant la liste des signataires de la tribune, qui circulait alors partout à ce moment-là, et a ajouté « génocidaires à boycotter ». La LICRA a soigneusement omis le post initial, donnant ainsi l’impression que l’historien avait « fait une liste » de noms, au hasard, sans raison particulière. » Or, plus que le post initial, c’est précisément ce qualificatif à caractère diffamatoire de « génocidaires à boycotter » concernant des citoyens français, qui n’ont pas pris part à cette guerre, qui a été très largement reproché à Théry et qui lui a valu une condamnation morale de la présidence de son université.
La mauvaise foi prend parfois des accents drolatiques : ainsi, « l’adresse précise » du lieu de travail de Théry « a été divulguée par Lyon Capitale, constituant un risque pour sa sécurité », selon les signataires, alors même que cette adresse est publiquement accessible sur la page professionnelle de ce dernier sur le site de l’ENS [archive], comme il est d’usage dans le monde universitaire. Plus nauséeuse est en revanche cette affirmation, en réponse au texte critique d’Emmanuel Debono paru sur le site de Conspiracy Watch : « l’irruption de l’idée d’un « antisémitisme de gauche » dans le débat public depuis à peine plus de deux décennies est liée à la radicalisation de l’entreprise sioniste en Palestine […] La notion d’« antisémitisme de gauche » vise ainsi en réalité à neutraliser les oppositions à cette entreprise. » Une formulation d’autant plus nauséeuse lorsque l’on observe le profil des signataires les plus en vue, qui bien souvent sont loin d’être irréprochables en termes de connivence avec l’antisémitisme.
Panier de crabes
Parmi les signataires, justement, se côtoient des profils aussi variés que mal fagotés. Citons d’abord Bruno Drweski et Annie Lacroix-Riz, deux universitaires nostalgiques du stalinisme et propagandistes pro-Kremlin, navigant en eaux troubles entre communisme et extrême droite. Ils sont rejoints par Yves Vargas et Françoise Vergès, avec lesquels ils se retrouvent depuis des décennies pour soutenir toutes sortes de régimes autoritaires au nom de « l’anti-impérialisme ». On compte aussi une ancienne figure du terrorisme d’extrême gauche des années 1970 : le réalisateur Jean Asselmeyer, ancien de la Rote Armee Fraktion (RAF), la fameuse « bande à Baader », connue déjà à l’époque pour ses liens avec le terrorisme palestinien.
Au regard du sujet, on ne s’étonne pas non plus de rencontrer l’ancien président de Médecin Sans Frontières (MSF) Rony Brauman, le journaliste Daniel Mermet, le cinéaste Gérard Mordillat, le philosophe Étienne Balibar, le sociologue Saïd Bouamama (qui tient chronique sur le site de Michel Collon Investig’Action), l’historien Ilan Pappé, le chirurgien Christophe Oberlin (qui a co-fondé Europalestine et en a été tête de liste), le fondateur d’Act Up Didier Lestrade, l’amie de Bouteldja Louisa Yousfi, l’écrivain pour « petits Blancs » François Bégaudeau, le sociologue Éric Fassin, la journaliste Mona Chollet ou encore l’historienne Sonia Combe. Véronique Bontemps et Thomas Vescovi sont les deux signataires qui font le lien avec le colloque du Centre arabe de Recherches et d’Études politiques (Carep), « L’Europe et la Palestine », qui ne put se tenir au Collège de France.
Côté politiques, il est sans doute plus simple de se demander qui, au sein du groupe La France insoumise à l’Assemblée nationale, n’a pas signé. On retrouve, pour les plus en vue : Nadège Abomangoli, Farida Amrani, « l’antifasciste » Raphaël Arnault, Sophia Chikirou, Hadrien Clouet, Jean-François Coulomme, Clémence Guetté, Bastien Lachaud, Jérôme Legavre, Marie Mesmeur, Thomas Portes, auxquels il faut ajouter Aymeric Caron. Deux écologistes ont aussi signé, dont l’ex-sénatrice Esther Benbassa. Côté PCF, on retrouve Pierre Laurent, et Philippe Poutou pour le NPA-L’Anticapitaliste.
Il y a aussi tous ceux qui ont signé en tant qu’universitaires en dissimulant leurs appartenances militantes. Le philosophe Stathis Kouvalekis, par exemple, qui, avant d’être philosophe, est avant tout un militant politique aguerri, en France comme en Grèce. Passé par le PCF, le NPA, le Front de Gauche et Siryza, il a été candidat en 2023 aux élections législatives grecques pour le parti de Yanis Varoufakis, MeRA25. Il est aujourd’hui un collaborateur régulier du média Paroles d’Honneur (PDH) et de la « revue de critique communiste » Contretemps. Il publie aux Éditions Amsterdam, très présentes dans cette pétition.
Autres signataires ayant des activités militantes notables : Olivier Filleule, figure de proue du mouvement pro-palestinien qui a occupé les locaux de l’Université de Lausanne, le sociologue Mathieu Rigouste (surtout connu pour son implication dans la lutte contre les violences policières) l’économiste Éric Berr (intervenant à l’Institut La Boétie, think tank de LFI), la sociologue Aurore Koechlin (habituée de Politis et de L’Insoumission), la sociologue militante Nacira Guénif-Souilamas, Sylvie Tissot (ancienne militante du MLF connue pour ses prises de position pro-voile), Olivier Le Cour Grandmaison (pétitionnaire invétéré), Jean-Marc Schiappa (militant lambertiste), Thierry Labica (militant du NPA-A)…
La quasi-totalité du bureau de l’Union juive française pour la paix (UJFP), ainsi que les militants les plus en vue de Tsedek (Simon Assoun, Maxime Benatouil) ont aussi signé, de même que plusieurs collaborateurs ou ex-collaborateurs et proches du Monde diplomatique : Laurent Cordonnier, François Cusset, Thomas Deltombe ou encore Frank Poupeau. Une mention spéciale aux salariés du Média TV qui soutiennent leur patron : Bertand Bernier (directeur de production de la chaîne) et Mourad Guichard (« L’Œil de Moumou »).
Certaines signatures interrogent, de par leur engagement antifasciste revendiqué, bien que leur parcours militant rende en définitive compréhensible leur participation à cette aventure. Il en est ainsi de René Monzat, figure très respectée de la lutte contre l’extrême droite et expert reconnu sur le sujet ou Ugo Palheta, (ex?) cadre du NPA, aujourd’hui membre du comité de rédaction de Contretemps et auteur d’un livre intitulé Comment le fascisme gagne la France. De Macron à Le Pen (sic) (La Découverte, 2025).
Et que fait Alain Bihr aux côtés de Serge Quadruppani ? Le second, auteur et traducteur de polars, est pourtant connu pour ses piètres justifications quant à sa collaboration passée au groupe La Guerre sociale – qu’il a en partie justifiée par son amitié d’alors avec le faurissonien Pierre Guillaume2Outre le texte de Bihr cité ci-après, lire Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, (éditions du Seuil, 2000) : chapitre 3, « Des groupes d’ultra-gauche soutiennent Robert Faurisson ». – puis quant à l’ambiguïté du discours tenu par La Banquise, revue dissidente fondée par Quadruppani en compagnie de Gilles Dauvé (éditeur en 1973 du texte bordiguiste « Auschwitz ou le grand alibi, référence du négationnisme d’ultra-gauche). Qu’est devenu le Alain Bihr qui écrivait très justement en 1997 à propos de Serge Quadruppani et de ses amis :
« Se présentant comme des auto-critiques courageuses et lucides, ces textes s’avèrent à l’examen, pour l’essentiel, des plaidoyers pro domo dont l’incohérence de l’argumentation évoque immanquablement la célèbre histoire juive du chaudron. Ainsi ces soi-disant ex-révisionnistes ou négationnistes nous expliquent-ils simultanément qu’ils n’ont rien fait ; mais qu’ils ont eu raison de le faire ; et que, pour autant qu’ils aient eu tort, du moins les principes qui les ont inspirés dans cette affaire ont été et restent excellents. […] à les en croire, ces « repentis » n’ont jamais été ni négationnistes, ni même révisionnistes. C’est à se demander alors pourquoi ils éprouvent tant le besoin de s’expliquer et de se justifier à ce sujet… »
En marge de la pétition, Théry a reçu le soutien de plusieurs groupes et personnalités supplémentaires gravitant dans l’écosystème de la gauche radicale décoloniale, notamment Houria Bouteldja et le site Contre-Attaque, héritier du groupe autonome Nantes Révoltée, dissous en 2022 sur décision du ministre de l’Intérieur d’alors, Gérald Darmanin, et qu’il relaie régulièrement.
Théry le résistant
Julien Théry est l’homme des affirmations définitives, assénées avec d’autant plus d’aplomb qu’elles sont contestables, voire tout à fait fausses. Ainsi, lorsqu’il déplore, face à Enzo Traverso, lui aussi signataire de la pétition de soutien, et qui ne va sûrement pas le contredire, puisque les deux hommes sont sur la même longueur d’onde quand ils évoquent une « tribune d’historiens qui est parue dans Le Monde », réunissant « des historiens tout à fait compétents et réputés, dont certains même ont fait des travaux remarquables sur d’autres génocides, qui avancent des contre-vérités évidentes en parlant de « pogrom » pour décrire ce qui s’est passé le 7-Octobre (…). » Il faut dire que pour Théry, « ce qui s’est passé ce jour-là », c’est « une situation de résistance (quoiqu’on pense des formes que cette résistance a prises) à une occupation militaire brutale assortie de conditions humanitaires désastreuses imposées à une population entière depuis 2007 », ainsi qu’il l’indique dans le texte de présentation de cette interview sur le site du Média TV dont il est le directeur général. Bien sûr, le fait qu’aucun soldat israélien n’ait posé le moindre orteil sur le sol de Gaza entre cette date et le 7-Octobre est sans doute de peu d’importance.
Pour un chantre de la vérité adepte de l’historien Marc Bloch (dont une petite-fille a signé la pétition de soutien), il est cocasse de constater le choix d’afficher une photo du propagandiste du Hamas connu sous le nom de « Mr Fafo », qui a été assassiné au lendemain du cessez-le feu par un groupe rival mais que les antisionistes radicaux continuent de considérer comme une victime d’Israël.
Julien Théry n’est-il qu’un troll ? La question se pose avec acuité à la vue du contenu du groupe Facebook consacré à son émission, « La Grande H ». L’homme se prend visiblement pour un grand résistant, puisque son deuxième profil, « Julien de Guigouin » (devenu « Jules Guinguette »), pourrait avoir été choisi en « hommage » au résistant communiste Georges Guingouin, comme le suggère en tout cas un post d’un de ses lecteurs très actifs, qui y fait une allusion discrète. Ici, la photo de Mr Fafo était jusqu’à récemment accompagnée de cette citation du philosophe allemand Theodor Adorno, que l’on peut traduire ainsi : « Il n’y a pas de vie juste dans le faux » (« Es gibt kein richtiges Leben im Falschen »). Culotté, le gars !
Convergences antijuives
Ce serait drôle si ce n’était pas si fangeux, car sur ce même groupe, dont il est administrateur (c’est-à-dire directeur de publication, donc responsable pénalement), Théry publie ou laisse publier des immondices antisémites, tel ce mème représentant un individu marqué d’une étoile de David et d’une étoile jaune, en train de détrousser une femme tenant un drapeau palestinien, et qui dit : « God promised me this wallet ». Le montage est issu du compte Instagram MuslimMemeGirl, qui ne cache pas son soutien au Hamas.
Dans les jours et semaine qui ont suivi le 7-Octobre, Julien Théry a aussi diffusé un texte de l’auteur pro-terroriste et antisémite Marc-Édouard Nabe (11 octobre 2023) et la couverture d’un livre de Shlomo Sand mais postée par… le négationniste Paul-Éric Blanrue (4 novembre 2023), personnage qu’il a d’ailleurs de nouveau relayé de nouveau le 24 septembre 2024, malgré les mises en garde de plusieurs membres du groupe. Le 28 octobre, c’est sur X qu’il dénonçait un éditorial du journal La Croix, accusé de publier « un poème » à la gloire du « fascisme exterminateur israélien.
Dans ce groupe, dont le compte officiel du Média TV est aussi administrateur, Théry ne se contente pas de poster des traits d’humour post-célinien. Il laisse aussi diffuser des vidéos d’Alain Soral ou de Dieudonné M’Bala M’Bala par ses membres, sans apparemment jamais juger bon de modérer le moindre de ces contenus. Le 26 avril dernier, il a lui-même choisi de relayer un post relativisant l’antisémitisme de Dieudonné pour soutenir François Burgat !
Ses comptes X et Bluesky sont à l’avenant. Le 30 août 2021 déjà, sur X, il y ironisait sur la citation de François Hollande qui avait dit vouloir se déclarer l’adversaire du « monde de la finance », mais en remplaçant « monde de la finance » par « juiverie internationale ».
Ce jour-là, il était déchaîné, reprenant à son tour, en défense de Jean-Luc Mélenchon qui avait prétendu que Jésus avait été crucifié par « ses propres compatriotes », un vieux trope de l’antijudaïsme chrétien : « Dire que les juifs ont fait tuer Jésus est en effet inacceptable. Quand on pense que le Nouveau Testament est en vente libre !!! »
Le 19 janvier de la même année, il affirmait, péremptoire : « Vous ne pouvez pas parler d’antisémitisme sans parler de la question juive. »
Si tout un pan de l’extrême droite antisémite et négationnisme ne semble pas lui poser de problème, ce n’est pas le cas de ce qu’il nomme « les sionistes de gauche ». Ni Julien Dray (traité de « socialiste lepénisé » le lendemain du 7-Octobre), ni l’association Golem ne trouvent grâce à ses yeux.
Selon une rhétorique désormais répandue, pour Théry, le négationnisme est ailleurs : du côté de celles et ceux qui refusent de qualifier de « génocide » la guerre qui a eu lieu à Gaza. Comme bon nombre de complotistes antisémites ces derniers temps, il donne une base biblique à ladite « extermination ». Commentant les propos d’Élisabeth Badinter affirmant qu’il ne s’agit pas d’un génocide, il commente « : Seulement la récupération du Pays de Canaan que Yahvé a promis aux Hébreux, comme le prouve la Bible ! »
Et cela dure encore. En octobre dernier, toujours sur le groupe Facebook de « La Grande H », en réponse à la phrase de Denis Olivennes « les Juifs sont présents en France depuis deux mille ans, bien avant les Francs et les Burgondes », Julien Théry réagissait par la formule : « D’où l’encerclement du petit village d’irréductibles de Yassterix et Aboubelix», jeu de mots avec « Astérix » et « Obélix », auxquels il ajoute « Yass » et « Abou », prénoms à consonance arabe. Toujours en réponse à la phrase de Denis Olivennes, Théry a également relayé le commentaire d’un certain Nadjil Kalliso : « On commence comme ça et on retrouve 65 millions encerclés à Gaza-sur-Brest au nom du Grand Israël … »
Au regard du contexte dans lequel elles sont énoncées, ces formulations ne relèvent plus d’une critique d’Israël mais visent directement les juifs dans leur ensemble.
En parallèle, Théry n’a eu de cesse pendant toutes ces années de dénoncer comme fausses toutes les accusations pointant des dérives antisémites à gauche, et notamment à LFI, qui lui apporte aujourd’hui un soutien massif. Est-ce si étonnant ? Comme le rappelle Émile Ackermann sur X, « Il faut croire les gens quand ils nous disent qui ils sont. Il faut lire le texte de Julien Théry sur la soi-disant impossibilité de l’antisémitisme de gauche pour comprendre qu’il se pense immunisé. C’est précisément ce qui lui permet de développer des tropes antisémites. » Une immunité dont Théry est à ce point convaincu que, droit dans ses bottes, il n’a pas hésité, se référant à Jordan Bardella, président du Rassemblement national qui affirmait qu’il n’était pas d’extrême droite, à dire de son cas personnel : « pas plus que je ne suis antisémite », reconnaissant par ricochet qu’il le serait…
Les contenus analysés montrent un recours systématique au mot « sioniste » comme substitut au nom « juif ». Ce procédé relève du dog whistle, qui permet de diffuser un discours visant les Juifs tout en cherchant à éviter les sanctions ou suppressions de contenus pour antisémitisme. C’est une astuce rhétorique courante chez les antisémites de gauche comme de droite depuis 1945, amplifiée à gauche à partir des années 1960 par la propagande « antisioniste » originaire du bloc de l’Est, comme l’avait déjà très bien montré Léon Poliakov, dès 1969. Le choix du salut nazi d’Elon Musk en guise de bannière pour son compte Twitter, ne peut pas, à ce titre, ne pas nous plonger dans la plus profonde des perplexités.
Cette perplexité, mais surtout ces haut-le-cœur que peut inspirer un tel écosystème idéologique, nous ne pouvons que souhaiter qu’ils soient aujourd’hui ceux du plus grand nombre, et notamment de quelques noms, sans doute égarés dans la liste des signataires de cette sinistre pétition.
Si « la plus belle ruse du diable est de nous persuader qu’il n’existe pas3Charles Beaudelaire, Le Spleen de Paris (Petits Poèmes en prose), (1862), éd. Librairie générale française, 2003, p. 150. », on trouve chez Julien Théry et ses soutiens l’exemple parfait de ce qu’est « la plus belle ruse de l’antisémitisme ». Leur volonté d’entraîner dans leur perte le monde universitaire illustre certains défis, et non des moindres, aujourd’hui posés par le dévoiement des libertés académiques au sein de l’Université française.














