Propos recueillis par Alain Barbanel, journaliste
D’où vous est venue cette idée audacieuse d’infiltrer les manifestations de soutien à la Palestine organisées par l’extrême gauche dont LFI, après le pogrom du Hamas du 7-Octobre ? Quel en était l’objectif ?
Les propos des dirigeants de LFI juste après l’attaque terroriste du 7-Octobre m’ont fait penser à l’attitude victimaire des frères musulmans. D’origine syrienne, et ayant fui ce pays ravagé par l’islamisme, ces propos m’ont vraiment mis en colère. Comment, en France, ce pays d’adoption à qui je dois tout, peut-on assister à de telles manipulations émanant d’une extrême gauche soi-disant antiraciste qui relaie à ce point le narratif d’un mouvement terroriste ? Je me suis dit qu’il fallait réagir en faisant tomber les masques. L’idée de départ était de me documenter sur le sujet, puis l’idée d’en faire un témoignage dans un livre s’est imposée.
C’était une mission à haut risque. Pour passer inaperçu, vous vous êtes grimé avec des lunettes et un keffieh, comme vous le faisiez durant les manifestations de Damas au début de la révolution syrienne de 2011. Mais cette fois c’était en France…
Oui, je me suis surpris à adopter les mêmes attitudes que dans mon pays d’origine mais cette fois dans la patrie de la Déclaration des droits de l’homme, de Molière et de Voltaire. Comment en est-on arrivé là ? C’était très choquant pour moi d’être obligé de me déguiser place de la République et de la Nation. Comme je le faisais quand je manifestais en Syrie contre la dictature pour ne pas être reconnu ; cela a forcément réveillé des choses douloureuses en moi.
Qu’avez-vous observé pendant ces manifestations pro-palestiniennes ?
Je me suis approché au plus près des tribunes, parmi les organisateurs et les orateurs et aussi les militants d’Urgence Palestine et ceux de La France insoumise dont j’ai constaté qu’ils étaient parfois les mêmes. Ils ont un projet en commun et ce n’est pas seulement la cause palestinienne qui les réunit. C’est un prétexte pour un projet beaucoup plus ambitieux, fondé sur l’importation d’un conflit en France et son instrumentalisation politique. Urgence Palestine est clairement un outil de propagande au service de LFI, et réciproquement. C’est la déstabilisation de nos démocraties occidentales qu’ils ont en ligne de mire, et la haine de nos valeurs. Les réseaux sociaux, et notamment TikTok, ont énormément d’audience chez les jeunes qui sont sensibles au discours décolonial, cultivant une véritable haine pour la France. Certains influenceurs de cette sphère ont des centaines de milliers de « followers ». C’est d’eux qu’il faut se rapprocher pour leur rappeler les dangers de l’islam politique totalitaire. Et aussi leur faire comprendre que l’extrême gauche est l’idiot utile de l’extrême droite pour laquelle ce discours est une aubaine électorale. Il faut en finir avec cette honte et cette haine de notre pays qui alimentent le radicalisme !
Mais pourquoi cela se passe-t-il en France ?
C’est l’aboutissement d’un contexte historique qui ne date pas d’hier. Voyez comment l’ayatollah Khomeiny a été accueilli en France avec le soutien à l’époque d’une bonne partie des médias et des intellectuels. Au nom de l’anti-impérialisme, de l’antisionisme et sous couvert d’antiracisme, la gauche radicale s’est engouffrée dans cette brèche pour conquérir électoralement les banlieues et les votes des jeunes issus de l’immigration. Le conflit Israël-Hamas a été instrumentalisé. Il est devenu un argument de campagne électoral. Comme en témoigne la candidate Rima Hassan au moment des élections européennes, dont tout le discours découlait de la guerre au Proche-Orient et des droits des palestiniens. Jamais le mot « génocide » n’avait été autant utilisé avant les élections. LFI et ses représentants appelaient à voter pour Gaza et pas pour la France. Quel rapport avec un projet européen. Aucun !
Ceci survient dans un contexte où, depuis la loi de 2021 contre le séparatisme, les islamistes n’ont plus les moyens de créer des associations, dont des dizaines ont été, depuis, dissoutes. Ils ont trouvé grâce à LFI une tribune et un refuge pour leur propagande. C’est étonnant de constater à quel point l’extrême gauche instrumentalise l’idéologie communiste marxiste en cherchant à faire des musulmans des victimes du capitalisme et de l’Occident. Ceux-ci ont remplacé les prolétaires opprimés, alors que l’islam n’a jamais été du côté du communisme.
La France insoumise a-t-elle tenté de vous intimider, de vous mettre la pression, pour enrayer la sortie de votre livre-enquête ? Vous subissez dites-vous des menaces quotidiennes…
Oui, LFI a d’abord envoyé à mon éditeur une lettre de mise en demeure pour relire mon livre avant parution. Cette requête a été déboutée en justice. Depuis, je fais l’objet de menaces quotidiennes toujours anonymes bien entendu, sur les réseaux sociaux. Et à l’occasion des rencontres et des débats où je suis invité, je suis sous protection policière. Mais je pense que ma seule arme est de ne pas avoir peur, comme c’était déjà le cas en Syrie. La terreur cherche toujours à imposer le silence. En parlant librement, d’une certaine façon, je me protège. Il faut que la peur change de camp.
Ma seule arme est de ne pas avoir peur, comme c’était déjà le cas en Syrie. La terreur cherche toujours à imposer le silence. En parlant librement, d’une certaine façon, je me protège. Il faut que la peur change de camp.
Au cours de ces infiltrations, vous avez enregistré les propos d’Elias d’Imzalène, conseiller d’Urgence Palestine. Vous avez ensuite posté cette vidéo sur X qui a servi à appuyer une plainte contre ce militant pour incitation à la haine et à l’antisémitisme.
Oui, j’ai enregistré et filmé les propos d’Elias d’Imzalène1À la fin d’une manifestation de soutien à la Palestine le 8 décembre 2024, Elias d’Imzalène a interpellé la foule en ces termes : « Est-ce qu’on est prêt à mener l’intifada dans Paris ? Dans la banlieue ? Dans nos quartiers ? On va leur montrer que la voix de la libération vient de nous. Qu’elle démarre de Paris »., fiché S, prédicateur salafiste et conseiller d’Urgence Palestine, à connotation clairement antisémite, qui étaient repris et applaudis par la foule. Cela m’a horrifié ! J’ai estimé que rendre public de tels propos était un devoir de citoyen.
Il sera placé en garde à vue puis condamné2En décembre 2024, Elias d’Imzalène a été condamné à cinq mois de prison avec sursis et 10 000 euros de dommages et intérêts. Dans son procès, la Licra, partie civile, était représentée par Me Galina Elbaz.. Vous avez assisté à tout le procès et, dites-vous, vous vous êtes senti très seul comme vous l’étiez en Syrie dans vos combats pour la démocratie…
La solitude est le pilier de notre calvaire. On ne se sent pas soutenu dans ce genre de situation, soit parce qu’on ne vous écoute pas, soit parce qu’on cherche à déformer vos propos en vous traitant d’ « islamophobe », voire « d’Arabe de service » dans mon cas et compte tenu de mes origines. On est pris entre deux camps, par l’ultra-droite d’un côté qui veut nous renvoyer dans notre pays d’origine, par la gauche radicale de l’autre qui vous considère comme un traitre.
Vous consacrez de longs passages sur Rima Hassan dont vous expliquez le parcours. Comment analysez-vous son influence dans la jeunesse française et son ascension jusqu’à la députation européenne ?
Rima Hassan incarne la haine de LFI pour la France à qui pourtant elle doit tout, jusqu’à son accès à la députation européenne ! Elle a tout de même déclaré à la chaîne qatarie Al Jazeera qu’elle se sentait plus en sécurité en Syrie qu’en France, sans jamais condamner le régime et les massacres de Bachar al-Assad, ni les milices du Hezbollah sanguinaire qui contrôlaient la région d’où elle venait. Je trouve cela scandaleux venant d’une compatriote qui connaît parfaitement la réalité du terrain ! LFI a trouvé chez elle une alliée idéale, en tant que femme et victime venue du monde arabo-musulman, ce qui peut sembler paradoxal compte tenu du rôle des femmes dans ces sociétés. C’était du pain béni dans certains milieux étudiants et universitaires qui la considèrent comme la porte-parole de la cause des nouveaux opprimés de la terre, en assignant les musulmans à l’état de victime. La guerre qui a suivi les attentats terroristes du 7-Octobre a démultiplié son influence en s’appuyant sur un discours politique antisioniste totalement décomplexé. LFI a su transformer avec opportunisme l’essai sur le terrain électoral.
Vous avez été auditionné par une commission parlementaire suite à la parution de votre livre. Avez-vous été surpris de cette invitation ?
C’était une commission organisée par l’Assemblée nationale regroupant des députés qui m’ont demandé de témoigner sur ce que j’avais vu et entendu pendant mon enquête, à propos notamment de l’infiltration de l’islamisme en France. J’ai parlé des faits et des propos antisémites que j’ai relevés pendant ces manifestations faisant par exemple l’apologie du déluge d’Al-Aqsa3« Il faut propager le déluge d’Al-Aqsa », nom de l’opération terroriste du Hamas du 7-Octobre, a déclaré Omar Alsoumi lors d’une manifestation en novembre 2024 à Paris.par la bouche d’Omar Alsoumi, porte-parole du collectif Urgence Palestine, qui vient d’être placé en garde à vue pour apologie du terrorisme. Je salue ces députés courageux qui ont organisé cette commission. En France, on connait finalement assez mal l’islamisme, et sa capacité manipulatrice pour infiltrer la société. Cette idéologie a d’une certaine façon gagné la bataille de la communication, relayée par une gauche radicale qui la promeut à des fins politiques. Cette initiative parlementaire est salutaire pour mettre à jour publiquement ce qu’est vraiment l’islam politique. Je ne sais pas ce qu’il adviendra ensuite de ces travaux. Mon travail est d’enquêter, de témoigner et d’informer. Au personnel politique de faire le sien.
Comment expliquez-vous que la guerre au Proche-Orient ait fait exploser l’antisémitisme en France ?
Je le vis très mal en tant que citoyen français et cela me renvoie à mes origines. J’ai vécu dans un pays où le mot « juif » est comme une insulte utilisée dans le langage courant. En France, les attaquer, c’est vouloir détruire l’humanité du pays que j’ai choisi, pour son universalisme et sa laïcité. C’est vouloir détruire la France ! Cette France, je me battrai pour la défendre jusqu’à mon dernier souffle.














