Alain Barbanel, journaliste
À l’image d’un cyclone que n’auraient pas prévu les météorologues, la dissolution décidée par Emmanuel Macron nous apprend que la politique ne prend pas de vacances et qu’elle peut nous rattraper sans prévenir. Alea jacta est. Ainsi en a décidé le Président, nous renvoyant en toutes conscience à nos responsabilités de citoyens.
Nous aurons à voter dans une semaine pour décider de l’avenir de la France. Face à quels choix ? D’un côté, nous le répétons ad nauseam, une droite extrême ripolinée qui ne dit plus son nom mais qui ne peut pas effacer son Histoire en deux temps trois mouvements. Le FN-RN, né d’une faction de séditieux issus de la France vichyste et collaborationniste, et de l’OAS, fait aujourd’hui bonne figure. N’en déplaise aux efforts de normalisation, les cols blancs d’aujourd’hui ne sauraient pourtant effacer les chemises brunes d’hier. La mémoire ne doit pas être sélective en matière politique, au gré des alliances et de la tambouille électorale. Un parti est un tout, avec son passé et ses alliances ; il ne peut dissimuler son ADN, a fortiori lorsqu’il prétend accéder aux plus hautes fonctions de l’État. Il ne peut être tiré un trait sur des décennies de xénophobie, de racisme, d’antisémitisme et de discrimination.
Non, toutes les idées ne se valent pas et l’on ne choisit pas de remettre les clés d’un pays à une formation politique, au prétexte qu’on ne l’a pas encore essayé ! Comme si l’on choisissait un leader à la manière d’un plat jamais gouté… En l’état, la digestion risque d’être difficile.
Que celles et ceux qui seraient tentés par l’aventure se souviennent que le FN-RN a prospéré en jouant sur les peurs, les angoisses et des fantasmes, en vitupérant contre le « système », les élites, l’altérité, en propageant les thèses complotistes, l’europhobie, le frexit, la sortie de l’Euro, en rejetant le vaccin anticovid, en soutenant le Kremlin contre l’Ukraine… La liste n’est pas exhaustive.
La fin du cordon sanitaire contre l’extrême droite ?
De l’autre côté, une extrême gauche qui est le fer de lance du « Nouveau Front populaire », qui n’a pas trouvé mieux que de détourner et d’instrumentaliser jusqu’à son leader, Léon Blum, qui doit en effet se retourner dans sa tombe. Un joli coup de marketing politique et de communication vite fait bien fait, au lendemain de la dissolution, qui n’est rien d’autre qu’un attrape-tout, qu’un ramasse-miette, quitte à salir l’Histoire du vrai Front populaire, ses origines, sa philosophie et sa morale.
Le plus inquiétant est que cette escroquerie à la grande Histoire a fonctionné. Emmanuel Macron et ses conseillers avaient-ils envisagé la création de ce nouveau « produit » politique dans son scénario ? Peu importe, le slogan est lancé et a entrainé avec lui les plus modérés, les plus « fréquentables » d’une gauche qui se cherche depuis tant d’années et qui n’est plus que l’ombre d’elle-même à force de compromissions, de reniements et aussi de pas mal de lâchetés pour prendre un train en marche, fût-il piloté par un Jean-Luc Mélenchon dont la brutalité politique n’est plus à démontrer. Mais qu’importe, l’essentiel était de sauver les meubles, « d’en être », de se positionner du bon côté du manche quitte à se désavouer sur ses propres valeurs. Fini le fameux « cordon sanitaire » de la République contre l’extrême droite, vive le NFP pour faire obstacle, juste pour essayer, aussi, tenter le coup, entrer dans la ronde, avec en tête la stratégie de « l’entrisme » bien connue des trotskistes : on s’associe aux forces montantes en présence, comme un levier pour soulever la charge, et on fait le ménage ensuite, de l’intérieur, pour se débarrasser des éléments les plus encombrants, les moins présentables et reprendre la main. Un pari audacieux et intenable dont l’Histoire a démontré les limites et la fin toujours tragique.
Dans cette comédie humaine où les petits épiciers de l’improvisation courtermiste excellent, on attendait mieux. Bien mieux que d’être pris en otage par ce vrai-faux pacte de pacotille indigne dont LFI cherche à tirer les marrons du feu forte de ses 229 circonscriptions. C’est un Front républicain et démocratique qu’il faut soutenir, qui aura définitivement tranché avec les positions intenables de La France insoumise qui, entre autres, ne considère toujours pas le Hamas comme une organisation terroriste. Un parti qui a délibérément instrumentalisé la guerre entre Israël et Gaza pendant les élections européennes, sans jamais parler d’Europe, pour récolter les voix des quartiers et allumer le feu, au risque de favoriser le communautarisme et la partition. Une entreprise de démolition de l’unité nationale, du récit républicain, fomentée par des « entrepreneurs de la haine » sur notre sol.
Honneur et unité nationale
Mais ne cédons pas aux extrêmes, et regardons le verre à moitié plein.
Nous ne saluerons jamais assez les responsables politiques qui, à gauche, ont eu le courage et la volonté de dénoncer l’alliance avec LFI. Dans cette cacophonie généralisée, ils ne sont pas dupes et maintiennent le cap en refusant le déshonneur. Car les masques tomberont, ainsi que les faux-nez. Aux deux extrêmes d’ailleurs. Chez LFI, les soutiens indigénistes et décoloniaux n’ont pas tardé à saluer sur les podiums la première « purge », une réminiscence stalinienne, des principaux dissidents à Jean-Luc Mélenchon, en ne leur octroyant pas les circonscriptions convoitées. Le chef reste le chef, qu’on se le dise !
Chez leurs rivaux d’extrême droite, le naturel revient au galop : des tweets antisémites et haineux de militants nostalgiques du passé FN, n’ont pas tardé à remonter sur le Toile, obligeant l’État-major à, lui aussi, « purger » les réfractaires à une prétendue « normalisation ». À ce train-là, il n’y aura plus beaucoup de monde pour diriger le pays… Tant mieux ! Et comment interpréter le projet de privatisation de l’audiovisuel public sinon comme la volonté de mettre la main sur l’information ? Le diable se cache dans les « détails ».
Face à ces deux pôles qui prêchent la sortie de la République, il n’est d’autre option qu’une union nationale, démocratique, républicaine, laïque et universaliste. Elle doit rompre avec des partis qui n’ont qu’un seul dessein : diviser les Français et briser le pacte républicain. Rien n’est encore perdu. À ce jour, plus d’un million de demandes de procuration ont été faites et l’on annonce une participation record.
Le 30 juin, au premier tour des législatives, la raison doit l’emporter sur les passions tristes, pour sauver le pays d’une aventure sans lendemain.